COTE D'OR 1/Eric Tabarly |
Tout a commencé hier, quand j'ai revu des photos de côte d'or 1, lors d'une vadrouille habituelle sur le net... Ses lignes m'ont trop rappelées celles d'Espace du désir, son petit frère One Tonner, issu des mêmes parents, Joubert/Nivelt, et conçu la même année, en 1985. Il était là sur un quai de Breskens, en réfection.
Depuis un fameux Cowes Dinard à son bord, invité, comme JP Dick par les Merlivat... J'ai toujours admiré le franc bord bas, les jupes, ces étraves qui pointent de Michel Joubert. Ses bateaux, en dehors d'être beaux étaient aussi rapides, mais ils n'ont pas toujours eu les résultats qu'ils méritaient, cela aurait retiré de l'originalité particulière des ces architectes Rochelais. Est-ce leur façon de travailler ou les désirs soudains de leurs clients, leurs bateaux étaient toujours finis à l'arrache et on attendait les certificats de jauge pour s'inscrire en course ! J'ai vu Passion, l'Admiraler rouge, être mis à l'eau dans le vieux port de la Rochelle et ai participé, comme quidam sur le quai à ce moment là, à remettre avec le poids de 5 autres collègues de mon gabarit en pied de mât le bateau dans ses lignes... Il faudrait 500 kg de gueuses de plomb en avant du mât me disait ce jour là Michel Joubert, avec le poids additionné de mes collègues pris comme pesons sur la calculette dans ses mains ... On a connu aussi son cat boat One Ton "Paul"...
|
Merci à Yves Gautier et son site internet "histoire des Half" qui m'a permis de retrouver rapidement la trace du bateau en résumant son histoire avec des photos d'époque et des articles de la presse nautique que je me suis permis de réutiliser...
|
Un peu d'histoire : Eric Tabarly a déjà tenté par deux fois, avec Pen Duick VI, de remporter la Whitbread en 73-74 puis en 81-82 sous le nom d'Euromarché. Les saisons avançant, les sponsors se font rares et son bateau est dépassé. Il trouve un sponsor avec le chocolatier Belge Côte d'or début 85. Il est né des coloniaes Européennes en Afrique, l'ancien nom du Ghana était "côte de l'or" d'où le chocolat "côte d'or" marque déposée dès 1883, avec son célèbre éléphant en logo. Il a son budget, il choisit de collaborer avec Joubert Nivelt à la Rochelle et participe à la conception du bateau. Il veut un bateau simple, à gréement en tête, et il le veut dans les meilleurs délais. Sponsor Belge chantier Belge oblige, c'est AMTEC à Willbroek, en Belgique, sur le Rupel, affluent de l'Escaut, qui va le construire. A l'époque il était en pointe sur les fabrication à base de Kevlar/fibre de verre, on sait qu'il avait fabriqué quelques formule 40 à l'époque aussi. Il va mettre à l'eau un bateau trop lourd de 4 tonnes par rapport aux prévisions. A l'époque les aides informatiques au dessin des carènes (Calculs des surfaces et des volumes, des centre de carène et de voilure) n'étaient qu'à leurs balbutiements, n'est-ce pas Pallu ? Les bonnes idées d'Eric et les beaux dessins Joubert Nivelt n'éviteront pas un "demi-echec" supplémentaire à ces deux associés. Mais vous verrez, en parcourant cet article , que tous ces efforts n'auront pas été vains....
|
|
Voyons un peu maintenant le bateau lui même et ses caractéristiques qui, avec le recul du temps, sont typiques des idées d'Eric. Une longueur hors tout de 25 m 03, une largeur de 5 m 90 et un tirant d'eau de 4 m 30... Un déplacement de 32 tonnes dont 16 tonnes de lest. A cette époque, nombre de concurrents néo Zélandais et même français (Esprit d'équipe, Philippe Briand) avaient choisis des gréements fractionnés car plus facile en manœuvre, seul handicap le petit temps... ce qui dans une Whitbread de l'époque n'était pas chose courante... Comme son frère Patrick l'a délicatement souligné dans son bouquin sur son frère, il était parfois très têtu sur certaines choses. Bateau puissant toilé en tête donc accastillage en conséquence. |
Pas moins de 5 moulins à café Barbarossa dans l'axe du pont pour les manœuvres... L'équipage devrait travailler sur le pont sans protection. Aucun bloqueur ou taquet coinceur n'est prévu. Les winch sont self tailing mais le système sera ôté , comme nous le verrons avec d'autres modifications à Cape Town, pour "faciliter" la manœuvre ! Les rails d'écoute sont équipés de charriots avec guides en acier et roulements en inox qui seront aussi changés en Afrique du Sud. Toute l'hydraulique est une Navtec avec des pompes et fonctions indépendantes comme il est de mise à l'époque (derrière la main d'Eric.) La garde robe choisie est une North.
|
|
Les débuts du bateau et la sélection de l'équipage : Eric engage le bateau au Fastnet de justesse, sans sa garde robe complète et avec un équipage à l'origine totalement composé d'équipiers Belges. Un résultat très médiocre qu'il attribue à une mauvaise option de navigation, ce n'est pas de très bonne augure pour la Whithbread, le vainqueur en Angleterre n'est autre qu'Atlantic Privateer, plan Farr adversaire direct de la prochaine Whitbread... Eric modifie l'équipage pour la Whitbread : de "ptis jeunes Français" embarquent en renfort, Halvard Mabire, Michel Desjoyeaux, François Carpente, Roland Jourdain, Vianney Ancelin (Diam24), Jean François Coste...
La Whitbread 85 ou le début des malheurs. Après la première étape, Eric décide de changer la quille, déplacer le mât. La quille est cette fois dotée d'un bulbe à sa base de 6 tonnes et permet de récupérer les 4 tonnes de trop du déplacement du bateau tout en conservant sa raideur. (On le distingue très bien sur la photo de début de Yorgo, coque bleue...) Un début de délaminage de la coque doit aussi être colmaté... La mousse sandwich est brisée sur un emi mètre carré. Ces problèmes sont sans nul doute dus au chantier Belge encore trop novice dans la maîtrise des composites Kevlar / fibre de verre. Le bateau voit son rating passer à 70 pieds et écope d'une pénalité d'une centaine d'heure a cause de son changement de quille. Il réalise une 6ème place en temps réel à Auckland et la meilleure moyenne avec 300 milles parcourus sur 24 heures. Mais dans l'étape suivante les fonds se délaminent et son secteur de barre se plie, de plus la potence de drisse de spi casse aussi. IL arrivera deux jours après le vainqueur en temps réel. Eric déclarera à l'arrivée : "nous avons fait un bon convoyage". La coque sera testée aux ultra-sons puis réparée à nouveau. IL restait deux étapes à disputer! Voilà, il termine la Whitbread 85 à la 10ème place, cela ne reflète en rien les capacités de son bateau mais reflète les ennuis de structure et le non respect des devis de poids édictés par les architectes. Bref, comme je le disais en introduction la conception d'un bateau dans l'extrême urgence de conduit jamais à bien grand chose après la mise à l'eau. Le vainqueur Français l'Esprit d'équipe figurait parmi les bateaux les mieux préparés avec Lionel Péan à sa barre et l'un des plus petits rating de la flotte.
Sponsor oblige très certainement, Eric s'inscrit à la course Lorient-St Pierre et Miquelon avec 10 autres bateaux, dont le Malboro de Pierre Fehlman? Tabarly allonge sa bôme, commande une nouvelle GV à lattes forcées, des spis légers à 200% et un reacher à 180%. Il devient donc un maxi "open" loin des 70 pieds de rating de Malboro. Fehlman accusera Eric de tricher à ce niveau, déçu sans doute de ne pas pouvoir se confronter entre maxi. Ils perdent la manche aller mais se rattrapent en gagnant la manche retour.
Le bateau arrêtait sa carrière en course pure. Le bateau a été pendant un certain temps la propriété de Piet Smet (Qui avait couru la Whitbread 85 à bord de Rucanor-Tristar). Le bateau a fait des sorties à la journée depuis Zeebruges sous les noms de "jaguar" puis "Yorgo". Cote d'or a même exigé qu'en plus du nom il change de couleur. On l'a longtemps aperçu au sec sur un quai de Breskens. Je pense que Michel Jooubert a été déçu par les résultats de son bateau très prometteur, mais vu sa taille il ne pourra pas lui réserver le sort de "Paul", comme raconté en cliquant içi.
FIN
|
Lien d'une vidéo d'époque sur Cote d'or : https://youtu.be/-JIWOeb_nGI?t=625
|