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Révolution

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REVOLUTION ou la course au large radicale


 

 

Le jour où j'ai lu cet article de "Bateaux" relatant la mise à l'eau d'un Admiraler Français

en 1972 et vu sa photo, j'ai imprimé à vie la silhouette d'un voilier qui, comme le Tina

ou Pen Duick III, a focalisé ma passion d'étudiant à l'époque pour le RORC puis l'IOR...

 

Mes remerciements à Jean Louis Fabry et à Bernard Mallaret qui m'ont bien aidé dans la reconstitution de l'histoire de cette légende rouge !

 

Comment oublier cette grosse boule rouge au volume étonnant pour l'époque !

 

Le bateau :

 

Un franc bord imposant, un pont  bombé autour du mat appuyé sur la quille. Un tangon posé à plat pont centré près du mât, deux capots ouvrants et une batterie de winchs alignés sur le devant du roof.  Le cockpit ressemblait plus à un cockpit central de voilier hauturier, tant le plat bord périphérique le délimitait nettement et tant il était profond dans sa partie avant. C'est surtout cet arrière large et haut portant la barre franche, qui lui donnait son air de jamais vu !  Son safran est rattaché à un "skeg" le reliant au fessier callipyge du tiers arrière de la carène. Il ressemblait à celui des "écumes de mer" du même architecte, sa quille par contre , avec une attache classiquement longue était plus inclinée sur l'arrière façon "Valicelli, Mauric ou C&C (Cuthberson et Cassian)". Plus surprenant le peu de profondeur des oeuvres vives au regard du franc bord très important pour l'époque. Celà laissait présumer un bateau médium léger avec une large flottaison. L'accastillage était simple, pas de retour compliqué ou lourd pour les écoutes de génois ou de spi. Un pataras réglable à volant, 2 rails de génois pour travailler la fente avec la GV selon les allures. Un gréement simplissime avec un mat à un étage de barres de flèches, 3 ancrages latéraux avec une paire de bas haubans reculés et une autre paire avancée. Ces cadènes étaient rentrées par rapport au bau maxi de façon à pouvoir rentrer un génois 120% au près. Un rail de fargue ajouré ceinturait le canot, permettant tous les montages possibles de poulies ouvrantes pour des hales bas ou des retenues temporaires. Un rail d'écoute partait de l'étrave vers le mât, un autre en transversal à son extrémité, sacrifiant à la mode de l'époque pour l'amurage des trinquettes de génois ou de spi et autres tallboy à guindant libre de l'époque.

Le pont était gris mat, peinture antidérapante légère et efficace. Enfin un léger guibre à l'étrave rajoutait à l'originalité du dessin. L'étrave à la flottaison était très épaisse, sans angle vif. L'intérieur : de l'aluminium nu partout avec un îlot au pied et en arrière du mât, une table à carte en contreplaqué fin près de la descente. Pas de moteur, une batterie pour l'électronique du bord et les feux de navigation ,elle était rechargée au port. Un seau pour les invitées du bord. Aucune concession au confort de l'équipage , excepté une bonne ergonomie pont cockpit chère à l'architecte.

 

 

 


Les pères du bateau et sa construction :

 

Michel Hennebert croise Jean Louis Fabry au salon nautique de Paris en Février 1972. Michel vient de quitter JM Finot en lui demandant de lui dessiner un rêve de mer de course. Après réflexion, Michel et Jean Louis retournent voir Finot et lui demande de leur dessiner le plus petit admiraler possible, pouvant bien figurer en IOR, dans les courses du RORC qu'ils affectionnent. Ceux-ci ont remarqué le rêve de mer vainqueur de la Quarter ton Cup en 1970, ont vu les performances de Morbic III de H.ELies cette même année, suivant celles de Callipyge skippé par L.Cordelle, associé du cabinet d'architecture Finot, devenu groupe Finot.

 

 

 

 

Hennebert, Fabry, Finot, Cordelle, on retrouve là des têtes pensantes et naviguantes bien décidées à tout sacrifier à la performance d'un bateau au rating étudié. Le pont de petite fleur avec L.Cordelle à sa barre ne vous rappelle pas un bateau rouge en devenir ? C'est la version régate développée depuis l'Ecume de mer en 1972.

 

 


Les tracés ci dessus sont issus d'analyses de jauge faites par J.Sans.

 

Jean Louis Fabry, connaissant les idées plutôt à gauche de JM Finot et de Michel Hennebert, propose de nommer leur proto "REVOLUTION". Finot n'a plus le choix, il lui faut dessiner un bateau exceptionnel ! Il se plonge dans les ouvrages de CAO (Conception assistée par ordinateur) et regarde ce qui se fait chez les grandes entreprises Françaises. Révolution sera ainsi le premier voilier conçu par ordinateur par le groupe Finot, aboutissant à un rating de 29.7 pieds, soit le minimum autorisé pour être un Admiraler et représenter son pays en tant que plus petit bateau d'une équipe de 3 bateaux. Il était la réponse aux contraintes financières et règlementaires de ses propriétaires. Il sera également le premier bateau "de grande taille" du goupe Finot non destiné à la production de série, je ne sais, de Michel ou Jean Louis, qui aura été le plus convainquant pour décider Finot à se lancer dans cette aventure :) Au début, les lignes de tracé se terminent en forme de queue de cochon impossible à éliminer...

Puis JM Finot charge les lignes de l'Ecume de mer dans son ordinateur, change l'échelle et... celles ci se superposent avec celles de Révolution. Le chantier choisi est Huisman en Hollande, qui avait déjà noué contact avec Finot en lui construisant le proto en Alu de l'Ecume de mer (Pont à teug et bulle sur le pont). Leur réputation va grandissant et de nombreux admiralers Européens y seront construits pour tirer parti de leur grande connaissance du travail de l'aluminium et de leur bonne situation géographique.(Mornig Cloud, Saudade etc...)

 

Royal Huisman est situé à l'Ouest d'Amstersdam en Hollande, à Vollenhove.

 


 

 

 

 

 

Les bateaux sont mis à l'eau sur un canal longeant le chantier. Révolution a été terminé l'hiver 72. L'équipage arrive en 2 voitures de Paris vers 1 heure du matin le 30 Décembre 72. Il trouve Révolution à l'eau, non mâté, et s'y couche pour la nuit. A 7 heure les gars du chantier les font se lever en sursaut au milieu de stalactites pendant au plafond du proto ! En fin de matinée, après avoir brisé la glace autour de la flottaison ils tentent d'avancer sur le canal glacé, une vedette du chantier faisant office de brise glace. Ils renoncent au bout de 200 mètres à effectuer leur convoyage. Walter Huisman leur propose de bricoler à bord et de passer la nuit dans ses ateliers chauffés cette fois. Il est invité à diner et la soirée se terminera par une course en sacs de couchage.

 La deuxième tentative sera la bonne, un WE de Janvier 73. La glace a fondu, retour à Vollenhove. Révolution atteint Amsderdam, mais, l'écluse étant fermée, il faudra le remorquer, quille a travers la vase, avec la vedette du yacht club le plus proche vers un mouillage pour attendre la marée. Par WE successifs le bateau gagne le Havre après une escale à Dunkerque où l'équipage est accueilli par Jean Louis Pacé (Père de Bertrand). Une inspection de la coque montre qu'elle est cloquée de partout. Le chantier Huisman alerté dépêche sur  place une équipe pour décaper et repeindre la coque avec un autre anti-fouling. (Il a eu le même problème avec 2 bateaux récemment mis à l'eau avec un mauvais anti-fouling)

 

Ses caractéristiques :

 

L : 11.20 m

l : 3.90 m

TE : 1.95 m

Dept : 5.5 t

Lest : 2.4 t

GV : 25 m2

Genois : 55 m2

Spi : 115 m2

 

Ces chiffres font de Révolution plutôt un One Tonner au rating augmenté de 2 pieds. (27.5 + 2 = 29.5). En 1973, Ted Turner avec son One Ton Lightning S&S fera de même portant son rating au delà de 29 pieds pour participer à l'admiral's Cup pour les USA , avec le plus plus petit rating autorisé de son équipe. Si l'on regarde par contre la largeur à la flottaison, le rapport lest/déplacement, nous trouvons des chiffres et ratios nouveaux en IOR pour cette catégorie de bateau. Révolution pèse environ 1,5 Tonne de moins que les plans S&S "classiques" de l'époque, il a un rapport lest déplacement de 43 contre 47, il est 10% plus large.  C'est la vitesse qui est ciblée plus que le rating. Le bateau a un très gros génois maxi de 55 m2 contre 50 en moyenne pour les One Tonner pour améliore les performances au près dans le petit temps. Le centrage des poids et la légèreté des  extrémités en aluminium doivent faciliter le passage dans le clapot. C'est la solution à l'équation de la jauge IOR, calculée par JM Finot."On augmente la puissance du bateau en jouant sur la hauteur et la finesse de la voilure, la position du centre de gravité, la largeur, le volume des extrémités, le poids" (Eléments de vitesse des coques JM Finot, Arthaud)

 

 

La conquête de la gloire

 

1973

Les entraînements de Révolution débutent au printemps 73, depuis St Malo, son port d'attache. De très nombreux équipiers défilent à bord, Finot discrètement mais sûrement veut faire marcher son proto encore aux mains de  propriétaires peu expérimentés. JL Fabry estime leur nombre entre 100 et 200 surles 2 premières saisons.

Avec Orgueil V, Carter 39, et Milène II Swan 43, Révolution est sélectionné dans l'équipe de France de l'Admiral's Cup 1973 , Cowes. Il sera le plus petit rating de l'équipe, la fourchette de l'époque se situant entre 29 et 40 pieds pour les inscrits. Il est le seul à avoir des prises de ris rapides sans bome à rouleau comme tout le monde. Première course, la Channel Race. André Nélis est à la barre, il sort Lightning avec Ted Turner lui même aux  commandes et coupe en tête ! Le gros de la flotte les double logiquement et lorsque André demande le cap à Jean Louis, celui-ci répond "270" puis corrige "180" alors qu'il faut faire de l'Est !!!. Virement à Royal  Sovereign et, surprise... Révo découvre Battlecry immobilisé aux prises avec leur mât coincé dans un trou de la plateforme de l'hélicoptère surplombant le phare. (Son équipage devra démâter pour dégager leur bateau). Arrivée placée sous les forts, Révolution passe alors la nuit à Hamble et apprend sa victoire de meilleur admiraler en se rendant à Cowes le lendemain ! C'est le Prince Philip qui effectuera la remise des prix et  appréciera sans doute que le vainqueur toutes classes s'appelle "Subversion" et le meilleur admiraler "Révolution" !

 

1975

Le mât à un étage de barres de flèches de Révolution fait déjà figure d'ancien devant les doubles étages des Ron Holland et Peterson qui trustent les meilleurs places des Ton Cup ces derniers temps. S&S ne signent que 24  des 57 admiralers engagés cette année là, tous les bateaux ont des prises de ris rapides, fini les bomes à rouleau !  L'équipe de France est composé de Révolution, Katsou (R.Holland) et Coriolan (D.Carter)

 

1977

La jauge IOR Mark III est en vigueur et le règlement pour les équipes de l'Admairal's Cup impose des bateaux compris dans la fourchette 30-42 pieds. Quelques modifications apportées à Révolution permettront de partir d'un rating initial de 30 pieds puis de bénéficier d'une remise d'âge portant son rating à 29.3 pieds, au grand dame des Anglais ! L'équipe de France cette année là est composée, outre Révolution, d' Emeraude et d' Alexandre, Peterson 44 qui sera ensuite aménagé en superbe bateau de croisière aux chantiers Vanek à la Trinité sur Mer. Carter, Ron Holland et Doug Peterson dominent la flotte en nombre de plans vendus cette année. On retrouve des bêtes comme IMP, YeomanXX, White Rabbit, Moonshine...

 

 

 


 

On remarquera, sur cette photo d'Erwan Quéméré prise dans le solent, la "jupette" soudée au tableau arrière et renforcée par des équerres. Cette modification sera réalisée en 1974 par un chantier de Fécamp. Le pataras à volant a été remplacé par de l'hydraulique plus facile d'usage.

 

 


 

1979

 

Ce sera la dernière sélection de Révo aux côté d'Accanito et de Jubilé V. M.Joubert expérimente le gréement 7/8 sur la coque aluminium d'Accanito qui aura un sister ship, "Dugenou". Jubilé quant à lui est un admiraler Peterson à la belle livrée bleue marine. Le fasnet terrible de cette année là fera 15 morts parmi les concurrents. Jeremy Rogers sur Moonshine, se distinguera en se détournant pour sauver un équipage en grande difficulté. La carrière de Révolution va se terminer après 7 années de RORC, une vingtaine de victoires dans les grandes classiques. Je me souviens d'une remise des prix au Spi Ouest France où tout son équipage était habillé en sans culotte de la révolution Française !

Trop radical ? Oui si l'on réalise que l'architecte n'a eu aucune demande de bateau de même type durant ces années de victoires. Non si lon regarde les photos prises à Toulon il y a deux ans avec son propriétaire actuel. Le bateau a effectivement longtemps été vu à Etel avant de rejoindre le Sud Est.

 

 

 

 

 

 

 

Un moteur, un enrouleur et des hublots dans la coque, Révo a encore fière allure. Remarquez le hale bas de tangon à poste ! La descente s'est vue équipée d'une porte en teck et les arêtes du  cockpit de lates de teck également. Deux paires de winch sont aussi apparues, winch de spi self-tailing à l'arrière, petits winchs de hale-bas (?) au centre de la descente.

 


 

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